Très peu de personnes le savent, si Manu Dibango a existé, c’est aussi grâce à Joseph Kabasselé alias Grand Kallé, l’un des pères de la musique congolaise. C’est lui qui prend Manu Dibango sous son aile, le fait venir au Congo pour lui faire découvrir les rudiments de la musique congolaise. De l’aveu même de Manu Dibango : » c’est Kabasselé qui va lui ouvrir les portes de l’Afrique ».
En réalité Manu Dibango qui a quitté le Cameroun à l’âge de 15 ans ne connaissait plus grand chose de la musique africaine. C’est au Congo qu’il fera son école auprès du grand Kallé.
Vers la fin des années 1950, le jeune Jean Marie Antoine Lema est invité au mariage d’un couple d’européens. Il tient absolument à assister à ce mariage car son orchestre préféré, l’African-Jazz doit agrémenter une bonne partie de la cérémonie.
Au cours de la cérémonie, l’African-Jazz entonne l’une de ses chansons mythiques ; Jean Lema, entraîné par le rythme endiablé de la mélodie, se lève aussitôt avec audace et demande à un couple d’européens au vu et au su de tous les invités, l’autorisation de danser avec la dame. C’était à l’époque où il était interdit aux hommes noirs de danser avec des femmes blanches. Ayant obtenu tacitement l’accord de son mari, la jeune femme se leva sans broncher, ajusta sa robe et se jeta dans les bras de l’audacieux Lema.
Tenant gracieusement la jeune femme par la taille, Lema esquissa un premier pas annonçant le lancement des hostilités. Les deux danseurs improbables se mirent à tournoyer sur la piste sous le regard incrédule d’un public hébété. Après avoir dansé, avec toute la politesse d’un gentleman, Lema ira raccompagner la dame et remercier l’époux de celle-ci.
Il devint alors l’un des tous premiers congolais à avoir dansé avec une femme blanche devant un parterre d’invités européens.
De retour à l’endroit où il était assis aux côtés des musiciens et du « Grand Kallé », un musicien (probablement le guitariste Déchaud) lança au « Grand kallé » : « Vieux Kallé ! Muana oyo balonga ye te » (Vieux Kallé ! ce petit, on ne peut le vaincre) et « Grand Kallé » d’enchaîner « il est Jamais Kolonga » (Ce qui veut dire, il est invincible).
Séduit par l’exploit réalisé par Lema, son ami « Grand Kallé » lui consacra une chanson intitulée « Jamais Kolonga ». Chanson qui est devenue un grand classique de la rumba congolaise. Elle raconte l’épisode où un jeune noir courageux s’est levé devant une foule d’européens pour inviter une blanche à danser.
Le jeune noir l’a enserrée et ils ont tournoyé sur la piste de danse. ‘’Oyé, oyé, oyé ! Serre-moi fort. Jamais Kolanga, serre-moi fort. Si tu me lâches, je vais tomber.’’ dit le refrain. Voilà comment est né le surnom « Jamais Kolonga ».
Source: Arol KETCH – 01/04/2021